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L'échiquier de l'ombre - géopolitique

Blog de synthèse et de décryptage de l'actualité géopolitique.

L'Iran dans le viseur des Etats-Unis

L'Iran dans le viseur des Etats-Unis

La tension entre les Etats-Unis et l'Iran est à son paroxysme : l'oncle Sam s'est lancé dans une course aux sanctions. Le pays des shahs est la cible à abattre après la défaite américaine en Syrie. Comme toujours, l'Europe fait les frais de ce conflit.

Mardi 21 août, Téhéran a dévoilé son premier avion de combat. Celui-ci semble n'être qu'une modernisation du F-5 américain que l'Iran s'est procuré avant la révolution de 1979. Cependant cette annonce n'est pas anodine et apparaît comme un symbole dans ce climat de tensions extrêmes entre Washington et Téhéran. L'Empire américain n'a en effet pas abandonné ses projets au Moyen-Orient, malgré une défaite en Syrie. Défaite qui a renforcé la Russie, mais surtout l'Iran, grand artisan de la victoire au sol grâce à son unité d'élite des Gardiens de la révolution. Qasem Soleimani, qui dirige les gardiens, est devenu une figure de la lutte contre le "Grand Satan" et les terroristes barbus en Syrie. Un fantôme insaisissable apparaissant ponctuellement sur des clichés prit sur la ligne de front, telle une célébrité. Mais il ne faut pas oublier le Hezbollah, proxy de l'Iran durant les guerres, notamment celle de 2006 au Liban. Le parti politique libanais chiite, qui est également une force religieuse et militaire, est l'un des grands gagnants du conflit qui a débuté en 2011. Son influence s'étend sur tout le croissant chiite, jusqu'au frontière d'Israël et le très disputé plateau du Golan.

C'est pour ces raisons que l'Iran est désormais l'ennemi public numéro 1 de la clique va-t-en guerre de Washington. Le pays perse est depuis très longtemps un domino à faire tomber (je recommande ce reportage d'Arte sur l'histoire post-révolution de la puissance régionale). Les Etats-Unis se sont lancés dans une campagne de propagande et dans une guerre commerciale contre l'Iran. Non sous la pression et l'influence de Tel-Aviv.
Le Congrès américain s'est donc saisi de son arme du moment : les sanctions économiques. Depuis sa révolution, l'Iran a toujours été la cible de sanctions, majoritairement bancaire. Tout comme la Russie, mise sous perfusion de sanctions tout au long de son histoire. Il n'a pas fallu attendre Trump, même si beaucoup ont tendance à l'oublier.

Cependant, la guerre économique s'est effectivement intensifiée depuis l'arrivée de Trump à la Maison-Blanche. Il n'a pas hésité à se retirer de l'accord sur le nucléaire iranien, pourtant plébiscité par tous les partis concernés. La signature du compromis aurait amorcé une normalisation des relations avec Téhéran, ouvrant son marché intérieur juteux aux entreprises étrangères. Un marché avec un grand besoin de modernisation de ses structures, surtout gazières et pétrolières. Mais il n'en est rien. Lundi 20 août, Total a officiellement annoncé son retrait de ses projets d'investissements en Iran, sous la menace d'amendes américaines. Parallèlement, le groupe Lafarge, qui a financé des groupes terroristes en Syrie pour pouvoir continuer ses activités, dont ISIS, n'est pas tellement inquiété par des poursuites aux Etats-Unis.

Un nouveau camouflet pour l'Union Européenne, qui a énormément à gagner à investir au pays des shahs. Le Conseiller à la sécurité nationale de Trump, John Bolton, sans sourciller, a déclaré en visite à Jérusalem : "Nous nous attendons à ce que les Européens réalisent, comme le font déjà les entreprises européennes, que le choix entre faire des affaires avec l'Iran et faire des affaires avec les Etats-Unis est très simple". Malheureusement pour les dirigeants européens, ils n'ont pas les moyens de protéger leurs entreprises d'éventuelles poursuites et amendes américaines (BNP Paribas s'en souvient encore). Et ce malgré une aide de 18 millions d'euros à destination de Téhéran, annoncé par la Commission européenne jeudi 23 août. D'un montant total de 50 millions d'euros, le paquet d'aides a pour but de soulager l'Iran des pressions économiques américaines. Un pansement d'autant plus dérisoire que les Etats-Unis ont annoncé vouloir établir un embargo contre le pétrole iranien. Ce qui entraînerait une flambée des prix du baril. Peut-être les 28 vont finalement réaliser qu'ils ont perdu leur souveraineté depuis un moment ? Notamment à cause du système de paiement bancaire mondialement accepté, SWIFT (Society for Worlwide Interbank Financial Telecommunications), qui est contrôlé par le pays de l'oncle Sam. Impossible donc de passer outre l'ordre de la Maison-Blanche. Un fait que comprennent très bien les entreprises. Ce qui relance évidemment, surtout en Allemagne, la question de la création d'un système de paiement européen. À la manière de la Russie et de la Chine qui s'émancipent doucement mais sûrement du système bancaire US.

Des sanctions injustes, et un risque de guerre si les pressions économiques ne font pas plier le pays des shahs. Au grand dam des faucons américains comme John Bolton, conseiller à la Sécurité nationale, l'Iran n'est pas la Libye ou la Syrie. Des personnalités expérimentées tentent de calmer les ardeurs de Tel-Aviv et de Washington, comme l'ancien patron du Mossad Meir Dagan, déjà en 2011 : "Il est important de savoir que cette guerre ne serait pas que contre l'Iran. Elle serait une guerre régionale qui inclurait la Syrie, si nous devions attaquer des cibles du Hezbollah sur le territoire syrien. Le défi régional auquel ferait face Israël serait alors impossible". En 2018, Téhéran et le Hezbollah sont plus influents que jamais. La Syrie est encore debout, elle revient même de très loin, avec une force militaire forgée par 7 années de guerre. La déclaration de Meir Dagan trouve donc un écho encore plus fort aujourd'hui. Une guerre avec l'Iran serait préjudiciable à tous, notamment à cause du détroit d'Ormuz : le plus grand point de passage d'hydrocarbures au monde. L'Iran a les moyens de bloquer le détroit, et si une guerre devait éclater, le pays des shahs s'assurerait qu'aucun navire commercial ne serait en capacité de le traverser, prenant à la gorge ses ennemis. Une décision que pourrait de toute façon prendre Téhéran dans le cadre de la guerre commerciale et bancaire que mène Washington, si l'Iran se retrouvait dans une situation intenable, disons comme la Syrie de 2011. Tout le monde en souffrirait : le pétrole est le talon d'Achille de n'importe quelle puissance qui n'est pas auto-suffisante vis-à-vis de sa consommation en or noir. Comme l'Europe. Comme les Etats-Unis.

L'un des sites les plus stratégiques de la planète : 30% des hydrocarbures passent par le détroit d'Ormuz.

 

Sur une échelle de 2 à 76, et là je préfère prendre large, de 2 à 71 on ne nous écoute pas, de 72 à 75, on nous écoute toujours pas, et seulement à 76 on nous laisse parler sans nous engueuler.

Kaamelott, Livre IV, L’Échelle de Perceval, écrit par Alexandre Astier.

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